Thursday, August 6, 2009

Le Parisien



« Saakachvili joue avec le feu »


SALOME ZOURABICHVILI, ex-ministre géorgienne des Affaires étrangères

Ancienne ambassadrice de France a Tbilissi, puis ministre des Affaires étrangères de Géorgie, Salomé Zourabichvili, qui est aujourd’hui dans l’opposition, vient de publier un
livre* où elle analyse les relations de son pays avec Moscou.

Y a-t-il de réels risques d’une nouvelle guerre entre la Russie et la Géorgie?

Salomé Zourabichvili.
Nous sommes en présence de deux Etats qui sont aussi peu démocratiques l’un que l’autre, mais qui ont tout intérêt à fairemonter lamayonnaise, pour des raisons de politique intérieure. D’un côté, Medvedev et Poutine sont toujours friands de montrer la force retrouvée de leur pays. De l’autre, Saakachvili peut rechercher dans la fuite en avant lemoyen de redorer son blason vis-à-vis des Géorgiens car, confronté depuis le 9 avril à cent jours de manifestations de l’opposition, il sait qu’il va avoir une rentrée difficile. La Russie, toutefois, n’a pas d’intérêt rationnel à redémarrer une guerre un an après avoir obtenu la sécession de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Mais l’irrationnel n’est jamais très loin dans cette région du Caucase…
Entre Moscou et Tbilissi, le ton monte…
Nous assistons peut-être au scénario inverse de celui de l’été dernier, où des provocations
russes avaient acculé Saakachvili à la faute. Cette fois-ci, les provocations seraient plutôt
géorgiennes. En poussant la Russie à intervenir, Saakachvili — qui joue avec le feu —redeviendrait une victime et pourrait remobiliser les Géorgiens derrière lui et faire taire l’opposition.
Pourquoi la Russie accuse-t-elle les Etats-Unis de réarmer la Géorgie ?
Je crois qu’il s’agit de manoeuvres politiques car ces accusations ne semblent pas tenir la route. Le vice-président américain, Joe Biden, est certes venu récemment à Tbilissi réaffirmer le soutien américain à l’indépendance de la Géorgie, assurer que le rapprochement avecMoscou ne se ferait pas sur le dos de laGéorgie et fixer à la Russie la ligne rouge à ne pas dépasser, mais il n’est pas venu apporter des armes ni même en promettre. LesAméricains n’ontpaspris leurs distances visà- vis de laGéorgie,mais ils les ont prises à l’égard du régime. Saakachvili sait parfaitement qu’avec Obama il n’a plus le même soutien qu’avec Bush.

Propos recueillis par Bruno Fanucchi
« La Tragédie géorgienne », de Salomé
Zourabichvili, Ed. Grasset, 332 pages, 18 [1].

06.08.2009

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